L’essor des hôtels à chambre unique

ARTICLE “LE MONDE”

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Publié le 16 octobre 2019 à 18h15

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De la Suisse au Japon en passant par l’Autriche, ce modèle d’hôtel a essaimé dans le monde entier. Ce développement s’inscrit dans le goût de l’époque, qui privilégie l’expérience et le sur-mesure plutôt que le produit de masse. 

Sa nuit à Everland il y a douze ans, Cécile Poignant s’en souvient dans les moindres détails : « Installée sur le toit du Palais de Tokyo, je n’ai pas dormi, pour profiter de la vue sur la tour Eiffel. » Transformée en chambre d’hôtel par les artistes suisses L/B, cette cabane vitrée a accueilli des clients chaque nuit entre 2007 et 2009. « A l’époque, c’était une aventure rare, unique… », raconte la spécialiste des tendances au sein du cabinet de conseil Utopies.

Dix ans après la fermeture d’Everland, force est de constater que le modèle d’hôtel à chambre unique a essaimé dans le monde entier. A l’étage d’un bar à Zurich (le Milchbar) ou Copenhague (le Central Hotel), à l’arrière d’une boutique viennoise (Grätzlhotel), perdu au fond d’une forêt suédoise (le Vipp Shelter) ou dans une ruelle discrète de Tokyo (Trunk House)… Ces établissements proposent des expériences différentes : de la chambre exiguë à la suite grand luxe, mais toujours avec les services d’un grand hôtel (ménage, literie haut de gamme, minibar, concierges…).

« Nous restons des hôtels par le professionnalisme et le service. » Yoshitaka Nojiri, fondateur de Trunk House

Malgré les apparences, on est loin de l’offre d’un Airbnb. « Ces concepts sont toujours lancés par des professionnels et les chambres sont soumises aux mêmes règles que celles de l’hôtellerie traditionnelle », précise Cécile Poignant. « Nous restons des hôtels par le professionnalisme et le service », renchérit Yoshitaka Nojiri, le fondateur de Trunk House. Lancé le 1er août par l’équipe de Trunk Hotel, un jeune établissement de Tokyo, cet établissement prend la forme d’une maison sur deux niveaux, cachée dans une ruelle à l’abri des regards, dans le quartier de Kagurazaka. « Nous l’avons imaginé pour nos clients les plus importants. Nous voulons qu’ils se sentent comme chez eux tout en profitant des services d’un hôtel : c’est l’alchimie parfaite ! », se félicite l’entrepreneur.

Le développement de ces hôtels d’une seule chambre s’inscrit dans le goût de l’époque, qui privilégie l’expérience et le sur-mesure plutôt que le produit de masse. « Réserver un endroit unique permet au client de sortir de la monotonie des offres standardisées. Si, en plus, sa chambre est une cabane au fond des bois, vient s’ajouter le côté roulotte et madeleine de Proust », affirme en souriant Cécile Poignant.

C’est précisément ce que propose le fabricant Vipp. Spécialisée dans les accessoires en métal pour la maison, l’entreprise danoise a fait installer en 2014 une cabane en verre et acier conçue par ses designers au bord du lac Immeln, en Suède. Au départ, le lieu avait pour vocation de servir de décor aux campagnes promotionnelles de la marque. « Pendant deux ans, nous avons reçu un flot continu de messages nous demandant si l’endroit était ouvert au public… Nous avons fini par céder en 2016 ! Aujourd’hui, les objets en magasin ne font plus rêver. Cet intérieur équipé Vipp est une meilleure façon de montrer qui nous sommes », confie Kasper Egelund, le patron de la marque.

Dans la foulée de ce succès inattendu, Vipp a ouvert deux autres chambres sur le même concept dans Copenhague. « Ces lieux sont avant tout une vitrine, un laboratoire qui nous permet de tester de nouveaux produits. Je ne sais pas si c’est un bon investissement : à court terme, cela nous apporte surtout de la visibilité », nuance Kasper Egelund. Même logique de la part de l’éditeur de mobilier hollandais Droog qui a créé une chambre au-dessus de sa boutique du centre d’Amsterdam. D’une certaine manière, la démarche des hôteliers est similaire : à travers ces projets pilotes, les uns comme les autres démontrent qu’ils savent se renouveler et continuer d’exister dans la course effrénée au buzz. La rareté a encore de beaux jours devant elle.

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